Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public
, Année 1975 Volume 6 Numéro 1 pp. 7-10Table des matières
Note de travail sur les sorcières
Démonisme et purgatoire
« De nombreux témoignages écrits montrent que parmi les premiers chrétiens, certains auraient cru, sinon en l'existence d'un lieu, du moins d'un état où le pécheur devait expier ses péchés avant d'atteindre le paradis. Comme l'a montré l'historien Jacques Le Goff, le concept du purgatoire comme lieu spécifique est en effet beaucoup plus tardif, et n'a été entériné dans la doctrine qu'avec le deuxième concile de Lyon (1274)1). » fr:Purgatoire
Le mot “alewife” est d'abord apparu en Angleterre en 1393 pour désigner “une femme qui tient une brasserie”, synonyme du mot “brewester” en anglais […]
Les femmes brassaient la majorité des bières pour leur usage domestique et commercial en Angleterre avant la Peste noire, et certaines femmes ont continué de brasser au XVIIe siècle. […]
Les archives publiques de l'époque médiévale avant la Peste noire incluent la réglementation de la législation et traitent du brassage de la bière comme une activité exclusivement féminine, indiquant que le brassage de la bière est dominée par les femmes […]
Les brasseuses deviennent des boucs émissaires pour les vices que le monde médiéval associe à l'alcool. En 1540, la ville de Chester ordonne qu'aucune femme entre 14 et de 40 ne soit autorisée à vendre de la bière, dans l'espoir de limiter le commerce seulement à des femmes au-dessus ou au-dessous de l'âge de où elles sont considérées sexuellement désirable fr:Alewife
C'est quelques siècle après en occident que le terme “third-place” apparaît dans la littérature des démonistes (fr:Démonologie) anglophones et francophones (Le Loyer, Pierre. 1550 - 1634 2))
“The more rigorous the ascetical vows, the more intense the purgatorial punishment, an imaginative depiction of the “third place” that utterly inverts the earthly hierarchy of discipleship and narrows the judgmental distance between ascetics and laypersons”
“Established at that time as a“third place”in the afterlife alongwith heaven and hell, purgatory became“an intermediary other world inwhich some of the dead were subjected to a trial that could be shortenedby the prayers, by the spiritual aid of the living.” TIME, JUDGMENT, AND COMPETITIVE SPIRITUALITY:A READING OF THE DEVELOPMENT OF THE DOCTRINEOF PURGATORY JOHN E. THIEL, 2008
Au XVe siècle apparaît donc le concept de Tiers-lieux pour décrire le purgatoire qui est passé du concept portant un fonction d'espace permettant d'accueillir un état transitoire à celui de concept d'un espace-temps ayant fonction de transformation.
Michel Vovelle soutient que l'essor de la croyance au purgatoire se produit véritablement à la fin du XIVe et au XVe siècle, lorsque les images du « troisième lieu » (third-place) commencent à proliférer dans l'art. Plusieurs images qu'il cite comme preuves expriment cette inversion hiérarchique en décrivant la souffrance purgatoriale des clercs.
« Le « brévaire parisien » de la fin du XIVe siècle est une lettre décorée qui représente un évêque partageant avec des laïcs la douleur du feu purgatorial. Le retable espagnol du XVIIIe siècle de San Pedro da Mezquita comprend les sculptures d'un évêque et d'un prêtre, chacun dans son propre bouquet de flammes purgatoriales. » Michel Vovelle, Les âmes du purgatoire, ou le travail du deuil(Paris : Gallimard, 1996) 47, 182.
“During the Renaissance and Reformations, purgatory was most commonly seen as one of three places, along with heaven or hell, where a soul could go after death, and it was visualized as much like hell except that a person’s time there was finite. (The debate about whether purgatory was a place or a state was confined to theological treatises.) Kathryn A. Edwards, “Purgatory” 2013 (DOI: 10.1093/obo/9780195399301-0083)
Le Livre des esperitz est le plus ancien traité de démonologie conservé en français. Il date du XVIe siècle. Le tiers esperit est appellé Satan, lequel fut formé après Lucifer3)
”From the ecstasies of the holy woman learning of the state of souls in purgatory to the demoniac ‘falling as if dead’ under the sway of demons, learning the secrets of the witches’ sabbath, or indeed also of purgatory, was quite a short step.“ The Oxford Handbook of Witchcraft in Early Modern Europe and Colonial America, Brian P. Levack (2013)
Invention de la sorcellerie criminalisation
Les origines du mot du concept de sorcière semble encore floues aujourd'hui4). Peut-être dans le Livre de Samuel, dans les passages à propos du roi fr:Saül, en occident.
À partir du début du 15ème siècle : des procès de sorcellerie (principalement des femmes) sont organisés, cela se matérialise notamment avec le Malleus Maleficarum, livre du « marteau contre les sorcières » – un traité des dominicains Henri Institoris (Heinrich Kramer) et Jacques Sprenger (Jacob Sprenger), publié à Strasbourg en 1486 ou 1487. Puis au milieu du 17ème siècle, par un jonction opportuniste entre inquisition et démonologie, la « chasse » aux sorcières se massifie5)
Cette création de crimes imaginaires de sorcelleries sert à frapper et façonner les imaginaires : une procédure avec laquelle on envisage le monde7) . Comme le fait le traité en démonologie de Jean Bodin qui prône la répression des sorcières. Ainsi, les sorcières que l'on accuse a priori et avec présupposé de maux qui s’abattent sur la « société » le sont par les gens « en responsabilité » dans cette société ; elles sont aussi déshumanisée lorsque la possession par le démon, souvent via l'acte sexuel, leur est invectivée.
- ”Wilhelm Adolph Schreiber (Scribonius) published De examine et purgationesagarum per aquam frigidam epistola (Epistle on the Examination and Trying of Witches by Cold Water, 1583)“ The Oxford Handbook of Witchcraft in Early Modern Europe and Colonial America, Brian P. Levack (2013)
Le procès de Michée Chauderon qui se déroule 1652, dans le canton de Vaud en Suisse actuelle, est représentatif de cette époque longue de traque, de répression, de torture et de meurtres.
Nous pouvons voir dans cette époque qui dure jusqu'en 1680 une politique de domestication par la terreur des femmes essentialisées à leur « petite foi » (=fée minus).
”Demonology, i.e. the faith in the existence of mental diseases caused by demons was a medical problem from the 16th to the beginning of the 18th century. Two types of mental diseases were differentiated: those caused by natural causes and those caused by demonic obsession with attempts of clinical differentiation of the two groups.“ Demonology in old medical manuscripts − V Sedivec PMID: 8624913
Cette période en Europe est le temps des Féminicides massif, organisés, « justifiés » C'est le temps des procès en sorcellerie (8/10 sont des femmes, 2/10 des hommes) Avec toute un littérature, littératie, infrastructure juridique, contexte social de la rumeur8)
Elles sont pourchassées l'accusation de sorcellerie se renforce si ces femmes ont de pratiques de savoirs traditionnels (soins, accouchements …) en interaction avec ce qui relève de la « nature ». Elles sont alors accusées des malheurs « biologiques ».
Il est question là aussi de femmes savantes, et de quelques hommes… (Witchcraft and Science − Stuart Clark. DOI:10.1093/acprof:oso/9780198208082.003.0010)
« Au XVIII, le terme Biologus (biologiste) a été utilisé pour designer les auteurs de rubrique nécrologique » (Précis de philosophie de biologie, Hoquet, Thierry; Merlin, Francesca. 2014).
Le traitement d'un enquête médicale appliquée par des professionnels de l'époque nous retrouvons, par exemple, qu'aucune trace du démon n'existe sûr et dans ces corps. En court résumé, le livre du Marteau contre les Sorcières qui sert de manuel de prescription pour définir une sorcière est nul et non avenu. Elles seront pourtant condamnées par les tribunaux, jusqu'à la mise à mort ; également les populations des villages se feront juges et bourreaux sans autre forme de procès.
Des démonistes, celles et ceux qui croient que les démons existent, qui veulent « sauver le monde » en définissant un purgatoire en tiers-lieux puis qui jugent de qui est bien ou mal dans le passage par cette espace transitoire et de transformation.
Ces ennemies, ces sorcières, sont incriminées en raison des pratiques et savoirs que les hommes ne possèdent pas. Elles étaient brûlées sur le bûcher, souvent avec les documents et les sources de leur propre procès.
Reprise au XX siècle
Cette purge de l'ennemie de l'intérieur sera politiquement transformée durant les années 1950 dans le champ de la politique de lutte contre le communisme aux USA.
“Women and their bodies” (1970) (liée au mouvement fr:Contre-culture_des_années_1960) puis ”Our bodies, Oursleves (1971 - 1973) (à développer)
Le roman fictionnel « La servante écarlate (Margareth Atwood, 1985) reprend, entre autres thématiques, la domestication de femmes et de leur corps par un rattachement strict et violent aux fonctions de procréations et tâches d'entretien du foyer. Il s'agit là d'une construction sociale d'un lieu dédié au rituel du “bien” nécessaire à la bonne marche de la société - marche et bien étant définis par les dominants misogynes sur racines théologiques.
Nous aurions aimé voir la tête des éducateurs du 20ème siècle, qui avaient transformé le cantonnement des femmes aux taches ménagères avec une “science de l’éducation” appropriée, si on leur avait dit qu’elles pouvaient aussi y faire de la biologie. Depuis la situation sociale a changé mais la place et la considération des femmes dans la société restent fragiles (L’ éducation des femmes et des filles dans le monde - l'éducation des filles et des femmes dans le Monde9)). L’actualité le confirme tous les jours…
Ceci est valable pour les personnes qui ont grandi en Occident, dans un monde binaire et patriarcal, où les femmes ont subi le fait d'être cantonnées à certaines taches et métiers, pendant que celles réussissant à le vivre de façon positive étaient soit vues comme des figures soumises à l'autorité patriarcale (“bonnes à marier”), soit comme des criminelles avérées ou en puissance (cf les sorcières évoquées plus haut, mais on peut aussi penser à Hélène Jegado).
XXI siècle et GynePunk
Les Gynepunk, l'écriture et la lecture comme pratique de soi.
Et la documentation comme technique de résistance
« En quoi, pourquoi, les pratiques de documentations peuvent-elles être utilisées dans l'objectif de résister, de se prémunir, de prévoir, ou de répondre face à des menaces10) ?
« L'objectif de Gynepunk est de faire émerger des laboratoires de diagnostic accessibles à faire soi-même (Do It Yourself), à faire avec d'autres (Do It Together), et des techniques d'expérimentation » ; ces techniques sont « basées sur la méthodologie et la discipline scientifique et sur l'expérience de chaque corps est aussi source de connaissance (la sagesse du corps ancestral). C'est pourquoi la documentation, la mémoire sous toutes ses formes, est essentielle ! ». Nous pourrons relever, dans les contenus, l'emploi d'interjections (Fuck, Fuckin'…) semblant exprimer un besoin d'extérioriser des colères. Dans cette réponse aux menaces, Gynepunk propose, par la documentation, la réappropriation d'un corps humain et de son fonctionnement dans un objectif d'autonomisation de l'individu et du collectif. Ce postulat est consubstantiel à la volonté d'offrir à l'individu d'être actrice et acteur de cette réponse disponible et des soins reproductibles dans une documentation. »
« no body can burn US ! NO ONE ! the witches NOW have the flames » (« GynePUNK » s. d)
et aussi
Mona Chollet dans la Revue Ballast pour la sortie de son livre : « Sorcières — La Puissance invaincue des femmes – Construire une puissance au féminin »
Recherche
- Fanny Maurel (Design & recherche) : « https://www.fannymaurel.fr/outils_sorcellaires.html Outils sorcellaires : se réapproprier les savoirs sur la gynécologie par un design sorcière. Mémoire-projet, 2017-2019.
Resorceler : se réapproprier les savoirs sur le corps
« Les sorcières actuelles naissent comme les persistances de présents qui ne sont pas advenus, des présents où les sorcières n'auraient pas été chassées et le savoir médical subtilisé ; elles se multiplient comme autant de voix permettant la reconstruction d'un savoir perdu »
Voir également :
- Are.na / Institute of Diagram Studies / 🕸️ Witchgram
- Sorcières : les femmes vivent archive de revue de 1975 à 1982
- Le jeu de tarot “Women of Science” est un jeu de cartes qui nous aide à raconter des histoires sur notre avenir en se basant sur les principes de la science. Chaque carte des grands arcanes comporte un concept scientifique fondamental comme l'extinction, la diversité ou la gravité. Les 56 cartes arcanes mineures mettent en scène des femmes inspirées qui ont changé le cours de STEM
ESTROFEM LAB :: ESTROGEN GEEKING
- Voir Archive
Critique par l'art
« At the Gates »
Depuis l'exposition At the Gates
Sur l'histoire politique et sociale de l'intime, lutte des Femmes, défiant les lois, pour leurs émancipation et Liberté.
Exemples : 1. Jesse Jones, appropriation de la sculpture Irlandaise Païenne Matriarcale Sheela Na Gig, montrant ses dents et exposant sa vulve.
juste en dessous : 4 marteaux en spirale etoilante, outils d'émancipation, avec inscription “Thou shalt Not Suffer” détournement du Malleus Maleficarum
Livre ignoble du XV siècle qui est un Manuel de chasse, d'oppression et de torture des Femmes, appelées sorcières lorsqu'elles sont non soumises au dictat.
L'autrice coupe alors “Thou shalt Not Suffer a witch to live” (« tu ne permettras point aux sorcières de vivre ») pour marteler un « tu ne souffriras point »
Un broderie de Teresa Margolles, accompagnée avant la salle noir d'une vidéo immanquable.
Broderie avec des Femmes Mayas à partir des linceuls des Femmes mortes par violence.
Plongée dans la salle totalement noir après avoir visionné la vidéo sur les discussions qui accompagnent la confection de cette œuvre, objet traumatique et expression de compassion à la fois.
“I Am Not a Witch”
Il était une fois, en Zambie, une petite sorcière… Et peur du pouvoir des femmes
Film de Rungano Nyoni suit le parcours d’une fillette zambienne accusée de sorcellerie. Entre humour et absurdité, la réalisatrice nous livre un joli conte sur le sort des femmes dans la société africaine.
Pepper & Carrot
Un webcomic libre, créé avec des outils libres, illustrant l'histoire d'une sorcière futée et de son lolcat. Les effets graphiques réalisés m'étonnent et ravissent au plus haut point, notamment l'effet d'aquarelle.
Poème Manifeste
Groupe de travail Rennes 2020
<note à compléter>